Fadila Saâdane

Le parcours de ses héroïnes, Djamila Bouhired, Zohra Driff et Hassiba Ben Bouali, qui mourut en martyr en compagnie du célèbre Ali La Pointe, refusant obstinément de se rendre aux parachutistes du Général Massu est un exemple qui honore la femme algérienne.

Si l’Algérie indépendante a certes célébré la mémoire de ses martyrs, leurs noms, furent relégués historiquement voire pour certaines non connues du public ont été exclues. Cette méconnaissance de l’histoire qui secrète en elle tellement de faits surtout pour ce qui est de la femme que l’on a cantonné dans  l’oubli telles Fadila Saâdane, Malika Gaïd (2), Meriem Bouattoura, Farida Sahnoun, les sœurs Bedj qui s’engagèrent  dans le FLN à 15 ans et moururent  en martyrs très jeunes pour ne citer que celles-là. En ce cinquantième anniversaire du 19 mars et celui de l’indépendance de l’Algérie, il convient de les évoquer d’autant plus que nous sommes à la veille du 8 mars journée internationale de la femme.

Une femme au courage exemplaire
Le nom de Fadila Saâdane est un nom à retenir, car son parcours fut emblématique et à travers elle celui de toutes ses sœurs de combat, qui s’engagèrent aux côté des hommes afin de libérer l’Algérie du joug colonial français.

Cette femme d’un courage exemplaire, mourra les armes à la main, donnant ainsi sa vie au nom de la liberté et marquera pour ainsi dire le rôle de la femme algérienne dans la révolution. Fadila Saâdane, n’est pas la seule à constituer la quintessence du rôle historique de résistance joué par la femme algérienne en général face au colonialisme français et son engagement, ne fut que la résultante d’un idéal enseigné à partir des siècles et qui deviendra une réalité.

La femme algérienne a toujours été au rendez-vous de l’Histoire, elle n’a jamais ménagé ses efforts et ses sacrifices tout comme l’homme. Fadila  et toutes celles qui refusèrent le joug incarnèrent le rôle fédérateur, qui permit au combattant algérien de se libérer et aller de l’avant. Certains témoignages rapportent que de nombreuses femmes de par leur courage et leurs  aptitudes ont démontré que celles-ci on fait preuves de courage et surtout de nationalisme de par leurs conduites irréprochables parmi les révolutionnaires.

Déjà deux femmes s’étaient distinguées au sein du PPA  durant les années qui avaient précédé, le déclenchement du 1er novembre 1954. Ces deux femmes étaient, Mamia Chentouf et Nefissa Hamoud, d’où la constitution à Alger des premières cellules féminines clandestines du PPA, et qui seront à la base de la création en 1947 de l’AFMA, « Association des Femmes Musulmanes Algériennes », avec pour objectif la sensibilisation des femmes aux idées nationalistes.

Arrêtée elle fera l’amère expérience de la torture et du monde carcéral colonial
Pour revenir à  Fadila Saâdane il y a lieu de savoir qu’elle est né  le 10 avril 1938 à Ksar El Bokhari Médéa. Elle était la fille d’un  instituteur, après la mort de son père, la famille retournera à El Harrouch, avant de s’installer  à Constantine, Cette fille si brillante, entra au Collège de Jeunes Filles et cette nouvelle vie lui permettra de s’épanouir dans le  milieu estudiantin qui lui ouvrira de nouveaux horizons du fait qu’elle s’intégra facilement parmi les autres et cette nouvelle expérience sera le prélude de son militantisme, C’est à partir de l’âge de 16 ans, qu’elle se mettra à militer dans  l’Association de la Jeunesse Estudiantine Musulmane de Constantine qui était une branche du  PPA.

Fadila Saâdane deviendra membre du bureau de cette association qui comptait plus de 230 adhérents et adhérentes  aux côtés, de Halima Maïza et Belaïd Abdesselam. Ses prédispositions patriotiques lui permettront ainsi de militer dans le mouvement nationaliste dont la revendication première était  l’indépendance de l’Algérie. Cette jeune femme si brillante, dont le nationalisme était sans faille ne pouvait permettre rapporte-t-on à qui que se soit de toucher aux préceptes de la foi islamique ou de la rabaisser sans qu’elle ne réagisse, du fait qui lui arriva d’organiser, avec quelques-unes de ses consœurs la grève afin d’obtenir le respect de la confession musulmane, notamment pour ce qui était de la nourriture, à ce propos elle fera une grève  de trois jours jusqu’à entière satisfaction des revendications. Lorsque l’UGEMA, lança son appel à une grève illimitée le 19 mai 1956, elle sera suivie  par l’association des lycéens, l’AJEMA, et Fadila Saâdane n’hésita pas un instant faisant le sacrifice de ses études car elle ratera la deuxième partie du baccalauréat.

Un appel alors sera lancé aux étudiants pour rejoindre les rangs du FLN et de l’ALN. Fadila Saâdane, comme toujours sera la première, à répondre présente rejoignant ainsi avec deux autres femmes, dont Anissa Ghamri, enseignante et Zohra Gherib lycéenne, une cellule du FLN. Leurs missions entraient dans le cadre du soutien des  actions entreprises par les fédayins, et concernait aussi l’acheminement du ravitaillement, des médicaments et autres nécessaires vers les maquis du djebel Ouahch. Elles avaient aussi pour mission de rédiger rapports, tracts et autres. Devenue très active, Fadila Saâdane fut repérée et arrêtée avec le Docteur Amor Bendali et sera  incarcérée à la prison du Coudiat vers la fin du mois de novembre 1956.

Elle sera emprisonnée durant une année et fera l’amère expérience du monde carcéral colonial subissant la torture et d’autres atrocités  et assista durant son séjour en prison à toutes sortes de sévices pratiqués sur d’autres prisonnières. Libérée fin 1957, elle poursuivra ses études,  et partira en 1958 à Clermont-Ferrand en France après l’obtention de  la deuxième partie du  baccalauréat. On rapporte que durant son séjour en France sa sœur Meriem, qui avait rejoint les rangs de la révolution sera arrêtée et torturée à mort. Son corps affreusement mutilé fut jeté le 22 juin 1958, avec celui de 52 autres militants constantinois dont Tewfik Khaznadar, par les soldats français dans une grotte de Djebel Boughareb.

L’une des rares femmes à assister aux réunions des chefs de zone de la Wilaya 2
De retour en Algérie, après la mort de sa sœur, elle intégra un commando de fédayins et deviendra  membre de la logistique de l’OPA en compagnie d’une autre femme fidaïa, Malika Bencheikh El Hocine. Fadila Saâdane et Malika Bencheikh El Hocine deviendront des agents de liaison, et seront chargées de constituer des cellules féminines conformément à l’ordre qui leur fut donné par le Colonel Salah Boubnider et Messaoud Boudjeriou.

Fadila Saâdane, sera l’une des rares femmes à assister aux réunions des chefs de zone de la Wilaya 2, qui était alors dirigé provisoirement par Salah Boubnider dit « Sawt El Arab »  du fait de son niveau universitaire. Il lui arrivait lors de ses missions au maquis à livrer bataille  en compagnie de ses frères de combat dans des accrochages avec l’armée française. Mais le destin fera, qu’elle sera arrêtée lors d’un accrochage avec l’armée coloniale dans la nuit du 26 au 27 avril 1960 alors qu’elle était dans une maison située rue Vieux, se faisant surprendre par l’armée coloniale en l’encerclant. Pour ne pas se faire prendre, Fadila Saâdane monta la première sur le toit, rapporte-t-on engageant le combat avec les militaires français, et c’est lors de cet affrontement qu’elle tombera sous les balles assassines de l’armée française les armes à la main.

Cette héroïne était à peine âgée de 22 ans. L’engagement de Fadila Saâdane est à inscrire avec celui des grandes héroïnes qui auront marqué l’histoire de l’Algérie faisant honneur ainsi à toutes les femmes algériennes. Leur sacrifice ne peut que nous inciter à revenir aux sources et aux valeurs qu’elles nous auront légué et enseigné, à l’instar de tous les combattants qui ont donné leur vie pour une Algérie indépendante. Elles n’étaient inférieures ni en vertus, ni en courage, ce qui nous invitent à revoir notre conception de l’historique de ces femmes, qui doivent être traitées sur le même pied d’égalité que les hommes qui ont donné leur vie, et ce n’est que leur rendre justice.

Par Benyahia Aek
Mardi 6 Mars 2012

Source: Reflexion DZ

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